lundi 24 septembre 2012

Une carte postale de la Renaissance pour Dolce & Gabbana

 
Le 25 février 1951, l’homme d’affaire italien Giovanni Battista Giorgini, organise un défilé de mode dans sa villa de Florence, il convainc les acheteurs américains et parisiens d’assister à l’événement. Cet unique défilé va transformer totalement l’image du pays en matière de mode. Il mêle l’héritage artistique de la Renaissance italienne à l’univers de la Haute-Couture, et reprend ses valeurs : bon goût, joie de vivre, créativité. Un héritage artistique qui légitime alors la place de l’Italie et son savoir-faire en matière de mode.
Les références à la Renaissance sont toujours présentes dans la Haute-Couture italienne, l’exubérance baroque fait toujours recette. Chez Dolce & Gabbana, après les lignes torsadées baroques brodées sur les vêtements pour la collection automne-hiver 2013 c’est un tableau de vacances coloré qui s’affiche sur les jupes qui descendent à mi-mollet pour le défilé printemps-été 2013 qui a eu lieu hier, dimanche 23 septembre 2012 à Milan. L'adage de la Renaissance prévaut encore : bon goût, joie de vivre, créativité.

vendredi 21 septembre 2012

« Une ville vue d’avion la nuit » selon Victoire de Castellane


 
Pour la troisième année consécutive, Dior Joaillerie participe à la Biennale des Antiquaires et présente la ligne « Dear Dior » : les premiers mots d’une lettre signée par la créatrice Haute-Joaillerie de la maison, Victoire de Castellane.  Victoire rend possible de porter le souvenir d’une grande ville autour d’un doigt. Elle souhaite « que les bijoux ressemblent à une ville vue d’avion la nuit ». Des petites pierres comme les miniatures des grandes, de celles qui font nos villes, l’étonnant contraste, car il nous surprend toujours de la lumière sur fond de nuit. L’image fugace d’une ville qui se rétrécit de plus en plus pour se fondre en un point brillant lorsque l’avion a pris suffisamment d’altitude.

Victoire de Castellane ne transpose pas seulement les villes mais elle découd aussi les robes: ses créations reprennent le dessin exact des doublures en dentelle des robes coutures crées par Christian Dior entre 1947 et 1957. Une mise en perspective qui miniaturise l’envers des robes. Elle inverse aussi l’héritage Dior lorsqu’elle réalise de vrais bijoux ayant l’air de faux alors que Christian Dior avait l’habitude de parer ses mannequins de faux bijoux qui avaient l’air de vrais. Elle avance ainsi, à rebours, et toujours brillante.

mercredi 12 septembre 2012

USA - Japon, 2012, Le minimalisme

Uniqlo, 5th Avenue, New York

Comment stratégie Hi-tech se conjugue avec textile, selon Tadashi Yanai, fondateur de l'enseigne japonaise Uniqlo.

Quel est le point commun entre les chemises Oxford et l’iPhone d’Apple ? La réponse de Tadashi Yanai : le minimalisme, la performance, la fiabilité. Dans un entretien qu’il consacre au WSJ il affirme que sa stratégie marketing s’inspire de celle de Steve Jobs qui a eu l’audace de transformer un design minimaliste en symbole de qualité et d’innovation.

Minimalisme à l’intérieur des boutiques Uniqlo dont la disposition sobre et élégante est très étudiée : espaces épurés et écrans plasma comme symboles Hi-tech. Les lignes des vêtements sont simples, les prix largement abordables. Les fibres utilisées sont innovantes : la dernière nouveauté, Airism, tellement léger qu’on ne remarque pas qu’on le porte.

Mais la stratégie d’implantation du groupe n’a rien de minimaliste, au contraire, elle est des plus ostentatoires. Uniqlo est présent dans les plus grandes avenues du monde, une des boutiques les plus notables est le magasin géant sur la cinquième avenue de New York. Uniqlo va ouvrir deux nouvelles boutiques aux Etats-Unis cet automne (à San Fransisco et au New Jersey), et prévoit d’ouvrir encore des centaines de magasins, une vingtaine ou trentaine par année. La marque sera aussi plus présente sur la Toile et ouvrira un site de e-commerce.

Cette visibilité globale rend la marque incontournable dans le paysage des capitales et lui attire la faveur du grand public et la collaboration de grands noms : Jil Sander, la designer minimaliste allemande jusqu’en 2011 avec la ligne +J et plus récemment, le joueur de tennis Novak Djokovic.

mardi 11 septembre 2012

Tokyo - Paris, 1989

Notebook on cities and clothes, Wim Wenders film, 1989


Yohji Yamamoto a toujours apprécié Paris ainsi que les capitales, lieux d’inspiration et de création. Il confesse d’ailleurs qu’il se sent plutôt Tokyoïte que japonais, habitant d’une ville, non pas représentant d’un peuple. Dans ce documentaire réalisé pour le Centre Pompidou, le réalisateur Wim Wenders suit Yohji à travers Paris et Tokyo. Ou plutôt il traverse Paris et Tokyo pour rencontrer Yohji. Car la rencontre avec le créateur se fait en transversale, en traversant les villes, en traversant et transcendant le vêtement.

Les vidéos se superposent, asymétriques. Le fil directeur n’est pas linéaire, les mains de Yohji se posent en diagonale lorsqu’il explique la fabrication du vêtement. Le réalisateur pose une question : quelle est la première étape, la forme du vêtement ou le tissu ? Yohji hésite, ses mains hésitent, peut-être que certains matériaux requièrent une certaine forme, peut-être que certaines formes requièrent certains matériaux. Pourtant, pour lui, la première étape est le tissu, le touché du tissu.

Quelle est la première étape ? La ville ou le vêtement ? Le documentaire est une balade visuelle à travers la ville. Au détour d’une rue on croise une allure unique. Fugitive, comme cette passante du Pont des Beaux-Arts qui est habillée en Yohji Yamamoto et qui nous mène jusqu’aux coulisses du défilé. Le créateur explique le fonctionnement de son équipe. Ses mains en diagonale dessinent une montagne (en japonais Yamamoto signifie : « au pied de la montagne »). Puis il renverse la montagne, il explique : il n’est pas au sommet de la montagne mais plutôt à sa base, son travail et son inspiration vont infléchir la direction de son équipe et de ses collections.

 La modernité, une succession d’images qui se superposent, qui défilent et qui donnent leur identité à nos villes, à nos modes de vie, à nos allures. Wim Wenders s’interroge sur la construction de nos identités, une somme de souvenirs et d’époques, comme le noir qui est peut-être la somme des couleurs suggère Yamamoto.

Alors le réalisateur enfile une chemise du créateur et ce n’est plus la simple satisfaction de voir une nouvelle image de lui-même qu’il décèle. Lorsqu’il porte un vêtement de Yohji, il a la sensation de porter du neuf et de l’ancien en même temps, la chemise lui rappelle le souvenir, souvenir de son père, comme si l’essence de cette mémoire était tissée dans le vêtement.

lundi 10 septembre 2012

Paris, 1933

Stéphanie des Horts, La Panthère, JC Lattès, 2010


Elle a marqué un lieu et une époque, Jeanne la demi-mondaine, Jeanne la panthère joaillière. Originaire de Bruxelles, elle quitte la Flandre des brodeuses pour Paris avec son amant, Pierre de Quinsonas, compagnon d’insouciance. Il lui promet le mariage, elle se retrouve installée dans un hôtel particulier : un oiseau choyé, couvé de diamants. La société des convenances et la famille de Quinsonas n’acceptent pas l’idée d’un mariage avec une femme sans fortune (une simple cousette !) et sans titre.

Le bijou rythme d’abord sa vie comme une parade à l’abandon, parade de séduction : un amant la quitte, un autre homme la charme. La vie régulière des irrégulières en somme. Amie de Gabrielle Chanel, elles brillent lorsqu’elles applaudissent l’avant-garde de la Belle-Epoque, lors de la première du Sacre du Printemps au théâtre des Champs-Elysées en 1913.

L’élégance fluide de Jeanne, sa souplesse, son regard sûr, tantôt langoureux tantôt félin, séduit Louis Cartier, il croit y déceler un instinct de création. Il ne se trompe pas. Leur collaboration durera aussi longtemps que leur histoire d’amour, de 1918 jusqu’à la mort de Louis en 1942. Histoire d’amour étouffée (Louis épousera Jackie Almassy, jeune femme issue de la noblesse palatine), l’inspiration, elle, ne l’est pas, elle évolue librement, Jeanne y met toute sa passion.

Ils jouent avec l’indépendance du bijou, Jeanne veut des pierres précieuses aux montures invisibles. Une indépendance farouche qui glisse les pierres au plus près du vêtement. A l’exposition internationale des Arts décoratifs de 1925, Cartier n’expose pas avec les autres joailliers mais présente ses bijoux au Pavillon de l’Elégance sur les stands et les mannequins des grands couturiers. Le bijou se veut indissociable de la mode.

Les difficultés techniques sont gommées, les difficultés politiques bravées. Pendant l’occupation allemande, les boutiques de la rue de la Paix affichent un oiseau en cage, ce qui vaudra l’arrestation de Jeanne. Elle s’en sort grâce à Chanel, sa complice de toujours.

La guerre est finie, Jeanne est seul maître à bord de Cartier à Paris, le souffle d’inspiration de Louis lui glisse une dernière fois « ma panthère ». Elle dessine un félin en trois dimensions, une broche pour la duchesse de Winsdor. La duchesse est admirative « vous me comblez, vous avez tout compris, vous savez tout de moi ». Elle lui commande des centaines d’autres bijoux panthère. La folie est lancée, les stars et les magazines de mode relayent la flamboyance rauque du félin. Jeanne s’efface en 1976, la panthère reste dans la légende.